Recherche
Chroniques
On the town | Un jour à New York
comédie musicale de Leonard Bernstein
Certains soirs d'hiver, on arrive au théâtre un peu fatigué. Et puis parfois, dès les premières mesures, la fatigue s'envole brusquement, l'énergie revient. Ce fut le cas au Châtelet pour la création française d'On the Town, composé en 1944 par Leonard Bernstein. Si cette œuvre fut montée à Broadway ou à Londres, elle reste une découverte en France où elle n'est connue que par son adaptation au cinéma (avec rien moins que Gene Kelly et Franck Sinatra) ou pour sa source, le ballet Fancy Free dansé par Jérôme Robbins. Après Candide puis West Side Story [lire notre chronique du 21 novembre 2007], le Châtelet continue donc son exploration bernsteinienne. On ne s'en plaindra pas.
Comédie joyeuse qui a pour arrière-plan un contexte dramatique (la Deuxième Guerre mondiale), On the Town déroule les aventures de trois boys de la Navy en permission de vingt-quatre heures à New York qu'ils explorent pour la première fois. Rapidement, la visite minutieusement préparée se transforme en poursuite de la femme idéale à travers la ville. La femme idéale, c'est Ivy Smith, miss métro du mois, dont Gabey, nouveau Tamino, est tombé amoureux en découvrant son minois affiché dans le métro. Voilà donc brossées vingt-quatre heures trépidantes à travers une Big Apple effervescente, vingt-quatre heures au cours desquelles on croise des femmes fortes comme Hildy, chauffeuse de taxi entreprenante, Claire de Lune, anthropologue nymphomane, ou encore Madame Dilly, professeur de chant dont les images ésotériques utilisées pour placer sa voix (un arc de triomphe, une poire, etc.) rappelleront des souvenirs à bien des chanteurs lyriques.
La mise en scène de Jude Kelly, qui suggère New York plus qu'elle ne l'illustre, comporte de bons moments, comme les scènes de métro dont les secousses sont évoquées par le jeu saccadé des comédiens se tenant aux barres métalliques. Alliée aux chorégraphies entraînantes de Stephen Mear, elle ne compte pas pour rien dans le dynamisme de cette production. Mais on saluera surtout la distribution qui regroupe des interprètes aussi rompus au chant et à la comédie qu'à la danse. Sérieux, rigueur et décontraction, apparente facilité : pas un n'est Français, ce qui laisse perplexe sur l'état de l'enseignement dans l'Hexagone… Une mention spéciale à Rodney Clarke (ouvrier 1, maître de cérémonie) à la voix de baryton richement timbrée et sans doute la plus opératique de la production. On ne saurait oublier la désopilante Madame Dily de Sheila Reed ou la tumultueuse Hildy de Caroline O'Connor, mais impossible de les citer tous tant le niveau d'ensemble impressionne par son professionnalisme et la jeunesse de ses interprètes. L'Orchestre Pasdeloup, conduit par David Charles Abell, se montre efficace et enlevé quoique parfois un peu trop expéditif.
Cette première comédie musicale de Bernstein est, par son mélange de jazz et de classicisme, annonciatrice du style de ses œuvres futures, sans en atteindre pleinement toute l'efficacité dramatique. Pour les fêtes de fin d'année, elle constitue sans conteste un bon divertissement et un joli cadeau.
IS